Logo Hervé Jamet - www.jamet.org SOCIETE

Accueil Réflexions La Société

Le Paranormal

Au XXIe siècle, notre société a bien évolué depuis le Moyen-âge. Cette évolution, d'abord imperceptible, s'est emballée à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec l'invention de la machine à vapeur, prélude à l'ère industrielle, aux grandes découvertes et aux inventions qui ont façonné notre époque. Notre société actuelle est le résultat de toutes ces découvertes scientifiques et technologiques, que nous utilisons quotidiennement sans même y penser. Comment vivrions-nous sans électricité, sans téléphone ni télévision, sans automobile ni train, quelle serait notre espérance de vie sans les progrès de la médecine, des vaccins, des antibiotiques, de la chirurgie ?

Et pourtant, chaque jour, de nombreuses personnes lisent leur horoscope, consultent mages, voyants et autres marabouts et se passionnent pour le surnaturel. Comment expliquer ce paradoxe ? La Science, tout occupée à inventer avions, ordinateurs et téléphones portables aurait-elle négligé des savoirs connus depuis la préhistoire ?

Les phénomènes surnaturels

La caractéristique principale des phénomènes paranormaux est leur aspect surnaturel, voire merveilleux qui nous ramènent dans l'univers des contes de fées qui ont bercé notre enfance, nous faisant oublier la réalité pas toujours gaie, et généralement dominée par le matérialisme.

Des phénomènes impressionnants

De nombreux phénomènes impressionnants sont présentés comme surnaturels, alors qu'ils sont totalement explicables naturellement. Mais les scientifiques ont beau se fatiguer à expliquer, réexpliquer le phénomène, à le reproduire, les partisans du paranormal s'obstinent dans leur explication, et ignorent superbement les explications scientifiques. Il s'agit de l'attitude la plus navrante, ignorer les faits qui ne vont pas dans le sens souhaité, en tablant sur le manque de connaissance du public visé. On peut appeler cette attitude un mensonge par omission.

Un exemple impressionnant est la marche sur les braises. Dans le VSD hors-série sur le paranormal de juillet 2003, on peut lire (page 48) "ces individus seraient capables, en modifiant leur état de conscience, de consulter les esprits, d'invoquer les éléments, de marcher sur des braises...". Ce commentaire passe sous silence que plusieurs scientifiques ont démontré qu'il n'y avait rien de surnaturel là-dessous ; la démonstration en question est totalement irréfutable : ces scientifiques ont payé de leur personne, en marchant à leur tour sur ces braises pour bien montrer qu'il n'y avait rien de paranormal dans cette action. Il semble cependant que toute la communauté scientifique pourrait défiler à la queue leu leu sur ces fameuses braises qu'il se trouverait toujours un journaliste en mal de sensationnel expliquer que seuls des chamans entraînés peuvent le faire.

D'autres phénomènes tout aussi impressionnants reçoivent des explications simples, par exemple les fakirs allongés sur leur planche à clous. Pour un peu que les clous ne soient pas très pointus, et suffisamment nombreux, ils offrent une surface totale suffisante pour supporter sans mal le poids d'un corps, le plus difficile étant de garder ce poids bien réparti.

Des phénomènes mystérieux

Parmi les phénomènes mystérieux, les plus banals sont le pendule et la baguette du sourcier. On ne sait pas si on est plus impressionné par le mouvement "spontané" de l'objet ou par l'information, souvent exacte, qu'il donne.

Le mouvement de la baguette du sourcier n'a rien de mystérieux en lui-même : cette baguette est conçue pour amplifier de petits mouvements de la main, qui pourraient sans cela passer inaperçus. Le balancement du pendule est plus mystérieux ; il semblerait qu'il provienne d'un mouvement involontaire du corps lorsque le sujet visualise le pendule en mouvement, l'oscillation se renforçant par ce biais. Dans tous les cas, le mouvement de la baguette ou du pendule ne sont pas vraiment le coeur du sujet ; la véritable question est de connaître la cause amenant leur mouvement. Il est à peu près établi que la détection est inconsciente chez le sourcier, et que c'est cette détection qui se traduit par le mouvement du pendule ou de la baguette. Mais la détection de quoi ? Les sourciers pensent être sensibles à des perturbations du champ électromagnétique provoquées par la présence d'eau. Les sceptiques pensent plutôt que le sourcier détecte inconsciemment des indices signalant la présence d'eau, comme des changements de couleur de la végétation. Pour départager ces deux explications, des expériences ont été menées avec des sourciers volontaires ; ces expériences se sont avérées négatives, ce qui accréditerait la thèse des sceptiques.

Malgré les échecs de ces expériences, peu de gens mettent en doute les capacités des sourciers. Ceci est vraisemblablement dû aux résultats qu'ils obtiennent, qu'ils soient dus à un sens aigu de l'observation plutôt qu'à une sensibilité aux champs magnétiques étant somme toute secondaire. Et la baguette du sourcier n'offre-t-elle pas au public un substitut acceptable de la baguette du magicien ?

Des non-phénomènes

Notre cerveau est câblé pour reconnaître des schémas familiers, par exemple des visages. Cette fonction n'est pas débrayable, et notre cerveau cherche à reconnaître ces schémas, même s'il n'y en a aucun. C'est le principe du test des taches de Rorschach.

Quelquefois, on distingue un visage dans une tâche d'humidité ou un nuage, ce qui peut donner lieu à des manifestations superstitieuses, par exemple si le visage ressemble à celui de Jésus ou à celui du diable (dans la fumée de l'attentat du Worl Trade Center par exemple).

A regarder le nuage sur l'image ci-contre, n'a-t-on pas l'impression d'un monstre menaçant au-dessus de la plage, avec ses deux yeux et sa bouche lumineux ?

Il suffit généralement de regarder une surface tâchée pour y distinguer, avec un minimum d'imagination, toutes sortes de scènes, de personnages ou d'animaux. On ne crie pas alors au phénomène surnaturel ; mais que le contexte s'y prête, et que la forme soit un peu plus évidente, et voilà notre nuage ou notre tâche photographiés et filmés par les média complaisants qui vont lui assurer une célébrité mondiale.

Des phénomènes truqués

Si la nature nous offre de nombreuses occasions de nous émerveiller, de nous étonner et de nous interroger, certains charlatans peu scrupuleux ne s'arrêtent pas là, et nous proposent divers phénomènes censés nous montrer les limites de la science.

Télépathie, lévitation et torsion de cuiller en métal ne sont pas uniquement l'apanage des magiciens de music-hall, même si ce sont ces derniers qui réussissent les tours les plus impressionnants, sans pour autant prétendre qu'il y a la moindre intervention surnaturelle dans ces tours. D'autres nous refont ces tours, souvent avec moins de talent, mais en prétendant qu'il n'y a pas de trucage ; ils bénéficient souvent d'une publicité gratuite par des média complaisants qui ont trouvé un filon pour attirer le public généralement friand de ce genre de phénomènes.

Les scientifiques, qui de leur côté dénoncent ces manipulations souvent grossières, sont généralement peu écoutés, leurs arguments ne trouvant d'écho que dans des revues scientifiques, dont certaines heureusement sont destinées au grand public. Les autres média, par manque de discernement ou par calcul, préfèrent privilégier le surnaturel à la morne réalité.

L'astrologie et la divination

L'astrologie occupe une place privilégiée au milieu des devins, mages et autres tireurs de tarots. Elle bénéficie en effet d'une aura quasi-scientifique, aura encore renforcée récemment par le doctorat décroché par Elisabeth Tessier à la Sorbonne avec une thèse sur l'astrologie.

En effet, l'astrologie se réclame de l'exactitude de l'astronomie dans l'établissement des thèmes astraux, les calculs étant maintenant effectués par ordinateur, ce qui leur vaut garantie de sérieux absolu auprès du bon public, un peu comme le label "vu à la télé" sur un article en magasin. Les chiffres sont éloquents : 44% des gens croient au bien fondé de l'astrologie.

Tout astronome confirmera pourtant que la position des étoiles d'une année sur l'autre n'est pas exactement la même, à cause de la précession des équinoxes, l'axe de la Terre tournant sur lui-même à la façon de celui d'une toupie en fin de course et faisant un tour complet tous les 26000 ans. L'association entre date de l'année et signe du zodiaque se décale donc de plus d'un jour par siècle, ce qui ne manque pas de fausser des calculs basés sur l'état du ciel pendant l'antiquité.

Cependant, les astrologues partagent avec les autres voyants les records de prédictions inexactes. Généralement, tout ce petit monde commence janvier en annonçant ses prédictions pour l'année à venir, et recommence l'année suivante sans daigner faire le moindre bilan de leurs précédentes annonces. D'un autre côté, nombre d'événements majeurs n'ont absolument pas été prévus, comme par exemple l'attentat du Worl Trade Center.

Tous ces devins comptent en fait sur l'amnésie de la collectivité, qui aura oublié leurs erreurs (personne d'ailleurs ne songeant à les rappeler au public), et tablent sur le fait que fatalement, certaines de leurs prévisions finiront par tomber juste (par exemple la mort du Pape ou un tremblement de Terre dans une région sismique), auquel cas ils s'empresseront de proclamer leur succès devant le bon peuple ébahi. Seul Paco Rabanne, bon couturier mais mauvais devin, aura réussi à laisser le souvenir de l'échec de la prédiction. On n'a pas idée non plus d'annoncer des événements aussi précis...

En effet, le meilleur moyen de s'assurer du succès en matière de prédictions est de rester suffisamment dans le vague. Annoncer à quelqu'un une rencontre importante dans les mois qui viennent n'engage certes pas à grand chose. Rester vague sur l'événement lui-même permet déjà de passer pour une personne clairvoyante, mais rester vague sur la date et le lieu peut permettre des succès quasiment certains. On peut sans se tromper annoncer un tremblement de Terre important dans l'année qui vient ou des inondations catastrophiques quelque part dans le monde.

Une autre méthode pour obtenir des prédictions exactes est de cacher la prédiction, de manière à ce que cette dernière n'apparaisse pas immédiatement, mais nécessite un travail d'interprétation ou de déchiffrement. On a pu de cette manière "vérifier l'exactitude" de nombreuses prédictions de Nostradamus. Cependant, jusqu'à présent, ce sont principalement les interprétations a posteriori qui ont permis de prétendre que Nostradamus avait prédit tel ou tel événement. Pour les sceptiques, il est en fait possible de trouver à peu près ce qu'on veut dans ces écrits pour le moins obscurs, en utilisant une interprétation ad hoc.

Une variante de cette méthode est le code secret, qui permet par exemple d'extraire de la Bible toutes sortes de prédictions. Pour les tenants de cette hypothèse, les écrits originaux de la Bible contiennent un message codé, obtenu en sélectionnant ou réarrangeant certaines lettres, un peu comme les messages secrets où il faut prendre la première lettre de chaque mot d'un texte en apparence banal. Là encore, il suffit de trouver la bonne méthode de décodage pour interpréter à sa guise n'importe quel texte, Bible ou autre.

Les statistiques

Les statistiques réservent au profane de nombreuses surprises, dues à des résultats parfois contre-intuitifs. Le problème le plus classique est le calcul de la probabilité que dans une assemblée, deux personnes soient nées le même jour. Cette probabilité croît très vite, dépassant 99% pour un groupe de 60 personnes.

Cependant, les statistiques peuvent également être utilisées de manière incorrecte, pour conduire à des résultats impressionnants. Une probabilité n'a de sens que lorsque le phénomène observé l'est dans sa globalité, et que les échecs soient comptabilisés aussi bien que les succès.

Le trucage le plus grossier consiste bien entendu à sélectionner les bons résultats d'un test en occultant les échecs. Dans un test de télépathie, on proclamera que telle personne a deviné les 10 cartes cachées sans aucune erreur, mais on ne s'appesantira pas sur le fait que cette personne a fait le test plus d'une centaine de fois, ni que beaucoup d'autres personnes ont fait le même test sans résultat.

Il pourrait être tentant pour le gagnant du gros lot au Loto d'attribuer son gain à des facultés paranormales, les chances de succès n'étant que de une sur 14 millions. En reconsidérant le problème dans sa globalité, il faudra bien tenir compte des millions de grilles perdantes ; la probabilité que quelqu'un trouve les 6 bons numéros devient alors importante. Et il faut bien que ce bulletin gagnant appartienne à quelqu'un...

En statistique, il ne faut pas oublier qu'improbable ne signifie absolument pas impossible. De plus, la probabilité de réussite croît avec le nombre d'essais. S'il n'y a qu'une chance sur 1024 de tirer 10 faces en jouant à pile ou face, en faisant jouer plusieurs milliers de personnes, cet événement improbable finira bien par arriver. Si vous tirez vous-même les 10 faces, vous pourrez vous considérer comme chanceux. Si vous lisez dans le journal que quelqu'un a réussi à tirer 10 faces, vous serez probablement peu impressionné.

En jouant sur le nombre de spectateurs d'une émission de variétés (plusieurs millions, ou alors l'émission est vite déprogrammée), on peut arriver à obtenir des résultats encore plus spectaculaires. On pourrait annoncer avec de bonnes chances de succès qu'au moins un des spectateurs aura une crise cardiaque avant la fin de l'émission, cependant, cela risquerait de faire baisser l'audimat. Dans le livre "devenez sorciers, devenez savants", les auteurs proposent de faire allumer le maximum de lumières aux spectateurs, et que le médium invité se concentre pour faire claquer les lampes. Succès garanti !

Les rêves prémonitoires constituent un autre exemple de phénomène peu probable, mais possible. Il est fréquent de rêver de personnes que l'on connaît, moins fréquent de faire ce rêve alors que la personne décède la même nuit. La probabilité est cependant suffisamment forte et la coïncidence suffisamment impressionnante pour que le bouche-à-oreille permette à la majorité d'entre nous d'avoir connaissance de phénomènes de ce type.

Les sorties du corps

Les sorties du corps sont généralement associées à des expériences de mort imminente (EMI). On ne compte plus les témoignages de personnes qui se sont retrouvées projetées hors de leur corps lors d'interventions chirurgicales, et qui ont pu assister à l'opération du plafond du bloc opératoire. D'autres témoins font état d'un tunnel lumineux. Ces expériences ont d'ailleurs également lieu dans des circonstances moins dramatiques, sous l'effet de drogues ou d'émotions fortes par exemple.

Ces expériences semblent accréditer l'existence d'une conscience indépendante du corps matériel, et alimentent bien entendu tous les fantasmes d'une vie après la mort.

A y regarder de près, on ne peut cependant s'empêcher de se poser quelques questions. D'après certains tests effectués lors d'opérations du cerveau, il semblerait que la stimulation de certaines zones du cerveau permette également de recréer l'impression de se voir depuis l'extérieur. Cette impression ne serait-elle pas que le parasitage de l'interprétation spatiale faite par le cerveau de l'image reçue par l'oeil ?

Voir et entendre indépendamment des systèmes sensitifs prévus à cet usage (yeux, oreilles) pose par ailleurs quelques problèmes physiques et biologiques. Comment perçoit-on les ondes sonores, qui sont en fait des vibrations de l'air ? Comment perçoit-on les ondes lumineuses, comment les focalise-t-on pour obtenir une image ? Et pourquoi cette perception extra-sensorielle est-elle soumise aux mêmes limitations que nos organes humains ? Pourquoi ne voit-on pas dans l'infrarouge et l'ultraviolet ? Pourquoi ne perçoit-on pas les ondes radio, de même nature que la lumière ? Comment s'effectue l'interface entre ce "corps astral" et le cerveau, qui va devoir se souvenir de tout cela au réveil ?

L'interprétation la plus radicale de ces phénomènes prétend que la conscience, et même la mémoire, ne sont pas localisées dans le cerveau, qui n'agirait en fait que comme un simple récepteur d'ondes astrales. Cette interprétation fait bien peu de cas de toutes les recherches en neurobiologie, qui ont permis de commencer à comprendre bien des phénomènes dont le cerveau et ses neurones semblent être les seuls responsables.

Les Extraterrestres

Les extra-terrestres constituent une catégorie à part, le phénomène n'ayant a priori rien de paranormal. On retrouve cependant le même contexte, la soif du merveilleux, les phénomènes mystérieux, et surtout la même envie de croire, en l'absence de preuves tangibles.

Le ciel de la Terre est régulièrement la scène de rodéos sauvages d'extra-terrestres inconscients qui s'amusent à illuminer le ciel avec leurs OVNI, lorsqu'ils ne font pas la course avec des avions de ligne ou des chasseurs de l'Armée de l'Air.

D'abord petits hommes verts à antennes issus de la planète Mars, les extra-terrestres ont évolué en petits hommes gris ou en copies conformes de Terriens, ce qui leur permet de se fondre dans la population (même si on les reconnaît à leur petit doigt relevé ou au fait qu'ils se désintègrent en mourrant, dans la série télévisée "Les Envahisseurs").

Les extraterrestres ne se contentent cependant pas de ces gamineries.

Les mieux élevés, les Ummites, envoient des lettres à des "élus" dans lesquelles ils leur expliquent les concepts scientifiques, techniques mais aussi philosophiques en vigueur sur leur planète UMMO, tout en affirmant qu'ils ne désirent pas interférer avec la société terrestre. Il ne semble malheureusement pas que la Terre en ait vraiment profité...

D'autres extra-terrestres, moins timides, ont rencontré des Terriens (ce qu'on appelle des rencontres du troisième type). Les moins bien éduqués les ont carrément enlevés, et dans certains cas se sont livrés sur eux à des expériences ou leur ont greffé un implant.

Avec tous ces extra-terrestres qui se marchent sur les pieds, on peut s'étonner de n'en jamais avoir vu un, ne serait-ce qu'à la télévision (sauf bien sûr dans les films de science-fiction). L'hypothèse la plus crédible serait celle d'un embargo sur la Terre, trop arriérée ou trop guerrière (ces deux raisons étant finalement très proches) pour mériter un contact, de la même manière qu'on évite aux peuples primitifs un contact trop brutal avec notre civilisation.

L'autre hypothèse serait celle d'un embargo gouvernemental, soit le fait du gouvernement des Etats-Unis seul, soit de la coalition de gouvernements importants. Ce ou ces gouvernements cacheraient sciemment les preuves de l'existence des extra-terrestres, comme par exemple les restes du crash d'un OVNI dans l'affaire Roswell. Ils seraient même suspectés d'entretenir des relations avec ces mêmes extra-terrestres.

Si l'existence d'extra-terrestres n'a rien qui puisse choquer un scientifique, il reste quelques questions en suspens, dont le mode de locomotion leur permettant de franchir les années lumières en un temps acceptable.

Leur discrétion peut également s'expliquer par leur peur d'interférer avec notre civilisation, mais alors, pourquoi aller faire les clowns dans des ballets aériens visibles par de nombreux spectateurs ? Bref, en l'état des connaissances actuelles, la présence d'extraterrestres sur Terre ou à proximité relève malheureusement plus de la croyance que de la véritable hypothèse scientifique.

Science et paranormal

Les tenants du paranormal considèrent généralement que la Science est limitée, et que justement, les phénomènes surnaturels commencent au-delà de cette limite. Ces phénomènes existeraient sans que la Science ne puisse en rendre compte.

C'est là très mal connaître la nature même de la Science, dont le principe fondamental est d'observer et d'expérimenter (voir article). Si ces phénomènes paranormaux existent, une bonne observation scientifique sera la meilleure manière de les légitimer, voire même de les expliquer, et pourquoi pas d'en tirer de nouvelles lois permettant de déboucher sur une nouvelle branche de la physique.

Mais nous n'en sommes pas encore là. Les tenants du paranormal eux-mêmes admettent volontiers l'existence de nombreux charlatans qui déconsidèrent les "vraies" manifestations surnaturelles. Les astrologues "sérieux", entendez ceux qui vous calculent, ordinateur à l'appui, votre thème astral personnalisé considéreront avec dédain les horoscopes publiés dans les revues populaires. Mais l'utilisation d'un ordinateur et de formules mathématiques précises est-elle une garantie de sérieux ?

Les techniques employées par les partisans du surnaturel pour convaincre les sceptiques de l'existence de tels phénomènes sont très variées ; elles sont employées soit volontairement, dans le but de tromper le gogo, soit le plus souvent inconsciemment, par méconnaissance des lois de la physique ou des règles d'observation et d'expérimentation. On laissera aux partisans du surnaturel le bénéfice du doute quant à leur honnêteté intellectuelle, même si parfois la méconnaissance est fortement teintée de mauvaise foi.

Un livre excellent explique très bien les rapports entre Science et paranormal :

"Devenez sorciers, devenez savants" de Georges Charpak et Henri Broch

Cependant, il ne faut pas non plus nier que les scientifiques eux-mêmes ont une part de responsabilité dans la bonne santé du paranormal. En effet, chaque homme a besoin de mystères et de merveilles, ainsi que de réponses à ses questions.

Côté merveilles, le XXe siècle en a abondamment fourni. Toute la planète a retenu son souffle lors des missions APOLLO, et notamment lors du premier pas de l'Homme sur la Lune, retransmis en direct. Tout le monde a pensé que la route de l'espace était définitivement ouverte, qu'on allait bien vite marcher sur Mars, construire des colonies sur les planètes de notre système solaire. La déception a donc été grande lorsque après quelques missions, les astronautes n'ont plus dépassé l'orbite terrestre. Comme si, au retour de Christophe Colomb, on avait estimé que l'Amérique ne valait pas le déplacement et qu'on était retourné à la navigation côtière.

Si les progrès de la Science n'ont pas cessé pour autant, cette dernière a du mal à refaire vibrer les foules. Les gens se sont-ils blasés ? Il ne le semble pourtant pas, l'exploration spatiale, même avec des robots et des sondes fait toujours recette.

Par ailleurs, les gens vivent quotidiennement au contact des produits de la Science, ordinateurs, lasers, médecine, mais ces produits devenus banals et marchands ne sont pas assimilés à l'épopée scientifique. D'un autre côté, les scientifiques répugnent à sortir de leur laboratoire pour essayer d'exposer leurs travaux au grand public, dans un langage accessible. Cette tendance s'inverse heureusement, des ouvrages de vulgarisation scientifique très bien écrits se trouvent maintenant dans toutes les bonnes librairies, quelques émissions de télévision portant sur des sujets scientifiques remportent de réels succès d'audience, lorsqu'ils sont bien amenés ; citons les émissions sur la préhistoire avec reconstitution en images de synthèse (par exemple "l'Odyssée de l'Espèce"), mais aussi des émissions de vulgarisation scientifique pour jeunes et moins jeunes ("C'est pas sorcier", "E=M6").

Société et paranormal

Superstitions

Le paranormal a toujours été présent dans les sociétés, à tel point qu'on peut caractériser l'apparition de l'intelligence humaine par l'apparition des premières manifestations religieuses (sépultures, dessins). Le moyen-âge croyait à l'existence de sorcières et encore aujourd'hui, la religion catholique admet l'existence de créatures surnaturelles, puisqu'elle compte encore au sein du clergé plusieurs exorcistes chargés de les chasser.

Aujourd'hui, force est de constater que les progrès de la Science n'ont pas fait disparaître toutes les superstitions. Ces dernières répondent en effet à un besoin de mieux maîtriser son destin, en niant le plus possible le rôle du hasard. De nombreux gestes ou événements anodins deviennent alors porteurs de sens et influent sur notre avenir. Encore de nos jours, le nombre treize est censé porter malheur, à tel point que de nombreux immeubles n'ont pas de treizième étage, que des hôtels n'ont pas de chambre numéro treize, et que de nombreuses personnes préfèrent quitter un repas s'il y a treize convives.

Les Média

Les média concourent fortement à diffuser les croyances les plus folles. Qu'on ne s'y trompe pas ; ce n'est généralement pas par pure conviction que beaucoup de journaux offrent un horoscope ou qu'une émission de variété invite un professionnel du paranormal, astrologue, voyant ou autre magicien. Ils ne font cela que pour gagner du public, et donc de l'argent.

Les média répondent donc en fait à une demande inavouée du public ("je n'y crois pas, mais je vais me documenter") en s'efforçant d'abonder dans son sens. De fait, les contradicteurs sont rarement invités en même temps que ces gourous qui peuvent à tout loisir instruire sans contradiction les lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Et lorsqu'ils sont invités, ils sont généralement malmenés par l'animateur, qui ne les laisse pas développer leur argumentation, voire les fait huer par le public. Notons d'ailleurs que le meilleur contradicteur ne sera pas le scientifique, mais le prestidigitateur qui pourra refaire les mêmes tours que le gourou, tout en expliquant que lui utilise un truc.

Les revues

Si certains livres ou revues se présentent ouvertement comme pro-paranormal, et revendiquent donc leur parti pris, d'autres essaient de se présenter comme impartiaux, dans des articles du style "paranormal, que faut-il en penser ?". Un article isolé dans une revue non scientifique prend rarement les moyens de faire un travail sérieux. Ainsi, pour un article sur la voyance, la journaliste d'une revue féminine s'est contentée de payer de sa personne, en allant consulter plusieurs voyants, s'extasiant à chaque fois de la précision et de la justesse des révélations. On a vu mieux comme enquête sérieuse.

Au cours de l'été 2003, la revue VSD a sorti un numéro hors-série spécial paranormal. Malgré un titre accrocheur ("Voyage au coeur des sciences interdites"), la couverture est prometteuse : "les chercheurs répondent".

Hélas, dès l'éditorial, le ton est donné : bien que l'éditorialiste essaie de garder ses distances devant les phénomènes observés, et se contente d'exhorter chacun à essayer de ne pas camper sur ses positions de manière trop rigoriste, il termine par une superbe bourde :

La science elle-même est confrontée à des extravagances irrationnelles qu'elle ne peut nier. Ainsi, la rotation de Vénus, inverse de toutes les planètes du système solaire, viole la loi universelle de la gravitation.

Voici donc des siècles qu'on utilisait une loi physique pas même capable de rendre compte de la rotation d'une des planètes les plus proches de la Terre et sûrement la mieux connue avec Mars ! c'est un miracle si nous avons pu avec une loi aussi manifestement inexacte lancer des satellites et même envoyer des hommes sur la Lune...

Les articles qui suivent sont contrastés. Ils essaient généralement de garder une certaine objectivité, ou du moins un ton objectif, allant jusqu'à reconnaître que Nostradamus n'a jamais été un prophète.

Cependant, certains articles comportent des affirmations étonnantes. Ainsi, dans un article sur les maisons hantées, l'auteur n'hésite pas à affirmer que les phénomènes de hantise pourraient être liés à la théorie de la relativité, en vidant de son sens originel une citation d'Einstein :

Pour nous autres, physiciens convaincus, la distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion, même si elle est tenace...

De cette citation, il en tire l'hypothèse qu'on pourrait rater une marche du temps, ce qui expliquerait les phénomènes de hantise.

Cependant, l'article le plus orienté est celui de Bertrand Méheust "Le Paranormal discrédité, un symptôme français". Dans cet article, inversant les rôles, il s'en prend au discrédit dont serait soi-disant victime le paranormal dans la Société française, sous l'influence de rationalistes tel Henri Broch ou Georges Charpak ("Devenez sorciers, devenez savants"). A propos de ces derniers, dont le titre a été inversé par l'auteur de l'article, il ne trouve d'autre qualificatif que "creux", accusation bien vague donnant l'impression que l'auteur n'a pas lu sérieusement le livre. Si le prix Nobel de Georges Charpak n'est évidemment pas mentionné, celui de Charles Richet, qui participa à la création de l'Institut métapsychique international l'est trois fois, sans doute pour rétablir la moyenne... D'ailleurs, tous les tenants du paranormal ont été des gens respectables, voire même admirés et respectés, alors que les contradicteurs ne sont que des psychorigides, membres de l'"Institution" qui couvre d'opprobre les valeureux défenseurs de la "métapsychique".

La démarche de l'article est également historique ; le paranormal serait alors plus légitime du fait de son ancienneté avérée. L'émergence du paranormal en tant que tel daterait de la fin du XVIIIe siècle, sous le nom de "magnétisme". Le nom lui-même, emprunté à un phénomène physique tout à fait réel, semble vouloir imposer une légitimité scientifique à un phénomène mystérieux. La démarche historique met en valeur l'adhésion de personnalités sérieuses aux phénomènes paranormaux, avec signature de personnalités déclarant que les phénomènes paranormaux qu'ils ont observés n'étaient le fait ni de la supercherie, ni de l'illusion. Quelle compétence avaient-ils pour une telle affirmation ? Mystère, quand, même aujourd'hui, aucun scientifique ne serait capable de dire comment opère un bon illusionniste qu'il observerait à l'oeuvre dans un spectacle. Aucune mention n'est faite, par contre, des supercheries qui ont été démasquées, notamment par le célèbre illusionniste Houdini.

Enfin, pour en revenir au titre de la couverture, "les chercheurs répondent", il faut bien avouer qu'on a du mal à identifier un seul article écrit par un scientifique sceptique. A croire que parmi les chercheurs, seul Georges Charpak garde encore des doutes sur l'authenticité des phénomènes paranormaux... en fait, il semble bien que les chercheurs en question soient surtout des chercheurs en paranormal ! Rien dans la revue ne vient contredire ou même ajouter un bémol aux articles les plus orientés. Un seul auteur, et pas de contradicteur, ni même un simple encadré exprimant un avis contradictoire.

Conclusion

Certes, la communauté scientifique ne se précipite pas pour analyser tous les phénomènes paranormaux présentés à droite ou à gauche. Ils ont généralement d'autres sujets de recherches, qu'ils estiment plus prioritaires, et il est probable que cette attitude ne s'améliorera pas en cette période de vaches maigres pour la recherche française. Outre le risque de perdre leur temps, ces scientifiques sont également méfiants vis-à-vis de tentatives de récupération, lorsqu'ils sentent que le but n'est pas tant de les voir étudier vraiment un phénomène paranormal que de pouvoir affirmer devant les média "Untel, scientifique bien connu, s'intéresse à nous". Malgré tout cela, des tests scientifiques sont régulièrement effectués pour essayer de mettre en évidence des phénomènes paranormaux. Aucune conclusion positive n'a été mise en évidence à ce jour.

Et pourquoi les Scientifiques ne voudraient-ils pas reconnaître un phénomène paranormal avéré ? Ils ont l'habitude de remettre régulièrement en cause des théories pourtant bien acceptées, lorsqu'elles s'écartent de la réalité ; ainsi, la gravitation universelle de Newton a été remplacée par la Relativité générale. Méfiance ne veut pas obligatoirement dire mauvaise foi.

Par ailleurs, le paranormal n'est pas vraiment compatible avec la Science ; si un phénomène étiqueté comme tel, par exemple la télépathie, était reconnu par la Science, via des expérimentations fiables et reproductibles, il sortirait ipso facto du domaine paranormal pour entrer dans le domaine des faits scientifiques, où il pourrait être analysé en profondeur, et avec méthode. Le paranormal ne peut donc se situer que sur le terrain des phénomènes non reproductibles, se produisant hors d'un cadre rigoureux et laissant alors le champ libre aux falsifications ou aux interprétations incorrectes.

Il faut d'ailleurs remarquer que certaines théories scientifiques, notamment la mécanique quantique, mais également la relativité, valent bien la torsion de petites cuillers en ce qui concerne l'étrangeté. Et un simple talkie-walkie n'aurait-il pas éclipsé toutes les manifestations de spiritisme si un voyageur temporel en avait montré un au XVIIIe siècle ?

Hervé Jamet
Janvier 2004

Accueil Réflexions La Société
  Pour écrire